Quelles sont les 10 principales fautes professionnelles sanctionnées par l’Ordre au cours des dernières années?

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Cet article a été rédigé par Richard Silver, T.S., avocat à la retraite, en collaboration avec le Bureau du syndic.

Le processus disciplinaire des ordres professionnels au Québec vise à protéger le public en assurant la compétence de leurs membres. Le Code des professions, introduit en 1974, établit des règles disciplinaires uniformes pour tous les ordres professionnels.

Le conseil de discipline de chaque ordre professionnel est saisi des plaintes formulées contre des membres pour une infraction au Code des professions, à la loi constituant son ordre ou aux règlements adoptés par son ordre, dont le Code de déontologie. Le conseil de discipline traite également des plaintes contre une personne pour une infraction commise alors qu’elle était membre de l’ordre. Les répercussions d’une décision disciplinaire sont majeures pour la vie professionnelle et personnelle des membres déclarés coupables par le conseil de discipline de leur ordre. En vertu du Code des professions, les infractions peuvent entraîner des sanctions sévères, allant de la réprimande à la révocation du permis d’exercer des activités professionnelles.

Dans cet article, nous examinerons les décisions rendues par le conseil de discipline de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (ci-après « l’Ordre ») entre 2017 et 2022. Un prochain article vous proposera une analyse permettant de mieux comprendre les obligations professionnelles des membres et dix résolutions déontologiques à prendre pour assurer une pratique conforme aux exigences législatives, réglementaires et normatives.

Les infractions professionnelles les plus courantes sanctionnées par l’Ordre

 

Le conseil de discipline a rendu 159 décisions entre le 1er avril 2017 et le 31 mars 2022. Parmi celles-ci, seulement cinq se sont soldées par des acquittements. L’analyse des décisions rendues permet d’identifier plusieurs catégories d’infractions commises par les membres de l’Ordre, présentées ci-dessous de la plus à la moins fréquente.

1. Le non-respect des normes de pratique généralement reconnues

Environ 40 % des décisions de culpabilité et sanction du conseil de discipline concernent un manquement aux normes de pratique généralement reconnues. Ces manquements s’appliquent à diverses activités professionnelles et domaines, tels que l’évaluation de la situation familiale de la clientèle, l’évaluation en matière de garde d’enfant, l’évaluation du risque suicidaire, l’intervention en pratique autonome, le processus d’évaluation et d’intervention, l’évaluation du fonctionnement social, le soutien à domicile, la santé mentale ou encore la déficience intellectuelle. Dans plusieurs de ces décisions, le conseil de discipline a également identifié des manquements relatifs à la tenue de dossier.

2. La tenue de dossier inadéquate

Durant la période étudiée, 38 décisions rendues concernent les défauts en matière de tenue de dossier. Celles-ci sont fondées sur le Code de déontologie, notamment sur les articles portant sur l’obligation de se conformer aux normes généralement reconnues dans la profession et sur le devoir de disponibilité et de diligence, ainsi que sur le Règlement sur la tenue des dossiers et les cabinets de consultation.

3. La non-reconnaissance des limites de compétences

Plusieurs décisions du conseil de discipline ont conclu que des membres n’avaient pas reconnu les limites de leurs compétences en dispensant des services pour lesquels leur formation et leurs compétences étaient insuffisantes. Par exemple, un membre sans expérience ni formation en matière de prévention du suicide a rendu des services professionnels à un client exprimant des propos suicidaires. Le client s’est malheureusement suicidé par la suite.

4. Le non-respect du secret professionnel

Une dizaine de décisions du conseil de discipline portent sur le non-respect du secret professionnel. Dans la plupart des cas, les membres, dans l’exercice de leur profession, communiquent des renseignements de nature confidentielle au sujet de clients à des tiers, sans avoir reçu leur autorisation préalable.

5. La consultation de dossiers sans motif valable

Neuf infractions concernent la consultation non justifiable de dossiers d’usagers dans le réseau public de la santé et des services sociaux. L’une des décisions concernait par exemple une travailleuse sociale qui a consulté, à 23 reprises, sans justification, des informations de nature confidentielle figurant aux dossiers de son frère, de l’ex-conjointe de ce dernier et de leurs enfants. Ces infractions constituent un acte dérogatoire à l’honneur et à la dignité de la profession, en vertu de l’article 59.2 du Code des professions.

6. Les relations sexuelles inappropriées

Une autre infraction observée concerne les relations sexuelles ou les gestes à caractères sexuels avec un client ou une cliente. Dans certains cas, ces relations ont lieu après la fin des services dispensés par le ou la membre. Dans d’autres cas, les décisions visent des membres qui, dans le cadre de leur profession, ont des relations sexuelles avec leurs stagiaires ou font des gestes à caractères sexuels auprès de personnes mineures. Ces actes sont considérés comme dérogatoires à la dignité de la profession selon l’article 59.1 du Code des professions.

7. Le maintien d’un rapport personnel avec une ou un client·e ou stagiaire

Cette situation peut se produire lorsque le ou la membre établit et entretient une relation personnelle étroite avec un ou un client·e, ou intervient dans les affaires personnelles d’une telle personne. Pour ne citer que ces exemples, certaines décisions concernaient des rencontres avec un client hors du bureau n’ayant aucun lien avec les services professionnels et l’emprunt d’argent à ce dernier, ou l’hébergement d’enfants d’une cliente à son domicile pendant vingt-quatre heures.

8. L’entrave aux travaux des instances de l’Ordre

Le devoir de collaborer avec les instances de l’Ordre est une obligation professionnelle prévue au Code des professions et au Code de déontologie. Cependant, certains membres de l’Ordre entravent les travaux de l’inspection professionnelle et des syndics, en refusant par exemple de répondre aux demandes dans les plus brefs délais ou en fournissant de fausses déclarations.

9. Le manque à l’intégrité

Avant-dernière infraction en nombre d’occurrences dans les décisions récentes, le manque à l’intégrité. Elle peut se manifester par la falsification des dossiers ou des documents, des affirmations concernant du travail non effectué, ou des irrégularités financières. Par exemple, dans un cas, une travailleuse sociale a été reconnue coupable d’avoir utilisé une carte de crédit émise par son employeur pour acquitter des achats personnels.

10. L’enfreinte à une limitation du droit d’exercer

Dixième et dernière infraction courante soulignée par le conseil de discipline, l’enfreinte par des membres de l’Ordre de leur limitation du droit d’exercer des activités professionnelles imposée par le conseil de discipline ou le conseil d’administration. Pour illustrer, une travailleuse sociale a continué d’exercer sa profession en pratique autonome en sachant qu’une ordonnance du Comité exécutif de l’Ordre lui imposait une limitation de pratique.

En conclusion, ces infractions mettent en lumière l’importance de l’éthique et de la déontologie professionnelle et la nécessité pour les membres de l’Ordre de respecter les règles et les normes de leur profession. Le non-respect de ces obligations peut entraîner des sanctions disciplinaires. Elles soulignent également le rôle primordial d’un ordre professionnel dans la réglementation de la profession et la protection du public.