Aspect 9 – Garantir le revenu, comment?

Nos sociétés conviennent depuis au moins le milieu du vingtième siècle de la nécessité de se garantir une certaine sécurité du revenu face aux aléas de la vie et de l’économie de marché. La question au cours des ans a plutôt été de qui à qui, à quel niveau et comment?

Au-delà des règles du marché, sur quoi peut-on compter?

Un fascicule de la documentation du budget du Québec 2016-2017 intitulé le Régime québécois de soutien du revenu est particulièrement utile pour situer le chemin parcouru en matière de protections publiques. Il présente les soutiens versés par le Québec et le gouvernement fédéral en aide financière de base, en aide à la famille et en aide liée à l’emploi. On y aperçoit un ensemble de dispositifs (programmes conditionnels et inconditionnels, crédits d’impôt remboursables et non remboursables, rentes, allocations, compensations) qui se combinent pour garantir un revenu minimal.

Source : Ministère des Finances, Régime québécois de soutien du revenu. Budget 2016-2017. Mise à jour consécutive à la mise en place de l’allocation canadienne pour enfants annoncée dans le budget fédéral 2016, p. 10.

Il faut y ajouter les autres prestations qui viennent des cotisations des travailleur·e·s et des employeurs comme l’assurance emploi, le Régime des rentes du Québec, de même que les garanties données par les normes minimales du travail.

Pour les ménages qui peuvent se le permettre, ces sécurités sont complétées d’assurances et d’investissements privés.

Dans la continuité du chemin déjà parcouru, ce pacte s’avère à bonifier en direction d’un Québec sans pauvreté, riche pour tout le monde et riche de tout son monde. Il tolère des inégalités importantes.

Notre société a appris au cours des dernières décennies à convenir relativement bien du droit à des garanties de revenu couvrant les besoins de base pour les moins de 18 ans et les 65 ans et plus. Ce qui n’était pas le cas à d’autres époques. Elle commence à en convenir davantage, comme le montre la troisième mouture du plan d’action et l’adoption du projet de loi 173, pour les personnes qui présentent des limitations fonctionnelles.

Le pas difficile à franchir est d’en convenir aussi pour le 18-64 ans sans emploi et jugé·e·s en mesure de travailler, qui resteront plafonné·e·s dans leur revenu disponible à environ la moitié du seuil de la MPC. Cette difficulté existe aussi sur le marché du travail : à 50 % du salaire moyen, même avec l’augmentation de 11,25 $ à 12 $ de mai 2018, le salaire minimum à temps plein, combiné aux autres soutiens, restera dans les parages de la couverture des besoins de base plutôt que de s’approcher d’une sortie convenable de la pauvreté.

C’est comme si, pour cette tranche d’âge, la confiance et les solidarités nécessaires devenaient tout à coup précaires, mitigées de méfiance, sujettes à préjugés et soumises aux logiques d’intérêt et à leur justification par divers arguments liés au mérite. C’est ainsi que se construisent et se renforcent les échelles de revenu et de protections sociales que nous connaissons avec des disproportions telles qu’elles peuvent agir sur la santé et l’espérance de vie en bonne santé. Comment travailler ce nœud?

Avancer sur ces questions n’est pas simple : c’est tout le pacte social et fiscal qui est mis en question. Alors, comme on dit, «le diable est dans les détails» et, pourrait-on ajouter, dans la terminologie. Il est par exemple difficile de démêler les divers sens donnés à l’expression «revenu minimum garanti». Cette expression peut désigner tout autant :

  • une allocation universelle ou un revenu de base inconditionnel versé à toutes et tous;
  • une formule d’impôt négatif (ou de crédits d’impôt remboursables) qui peut garantir l’atteinte par la fiscalité d’un revenu après impôt minimal en considérant les différentes sources de revenu;
  • et/ou encore le soutien minimal correspondant à l’ensemble des dispositifs du pacte social et fiscal.

S’il n’y a pas d’accord en ce moment dans la société québécoise sur une formule idéale de revenu minimum garanti, il n’en reste pas moins que le fait d’avoir consolidé les divers dispositifs existants dans le concept du Régime québécois de soutien du revenu mis de l’avant dans la documentation budgétaire 2016-2017 peut faciliter le débat en fournissant un état de la réalité telle qu’elle est.

 

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