Aspect 5 – L’enjeu du revenu dans une économie de marché centrée sur l’emploi

Curieusement, dans la vie quotidienne, la question de nos revenus est plutôt gênante et inabordée. Peu de gens parlent de leurs revenus avec leurs proches. Une règle implicite de notre société veut qu’on ne divulgue en général pas son revenu. Pourquoi? La question mérite d’être posée. Il y a fort à parier que la réponse viendrait rappeler notre responsabilité collective en matière de règles du jeu.

De même peu de gens connaissent précisément leur niveau de revenu disponible après impôt, autrement dit ce dont ils disposent pour vivre. Ce repère est pourtant essentiel pour pouvoir se situer les un·e·s par rapport aux autres et mesurer les différences de moyens, de ressources et d’opportunité qui existent entre nous.

EngrenageEXERCICE 10 : Est-ce que je connais le revenu après impôt dont je dispose/nous disposons pour vivre dans mon ménage (personne seule/unité familiale de deux personnes ou plus)? Est-ce que j’ai idée du niveau où ce revenu me situe dans l’échelle des revenus?

Une chose est certaine : dans notre société de marché, il faut un revenu pour vivre et ce revenu s’acquiert principalement par l’emploi, autrement dit au moyen d’une activité reconnue par une rémunération. Beaucoup d’activités non rémunérées contribuent toutefois aussi au bien-être de la société.

Si le revenu est insuffisant, on manque du nécessaire et il faut trouver comment se débrouiller pour survivre, soit dans l’univers monétaire, soit autrement. Par ailleurs, si ce revenu est plus que suffisant, on peut tendre à oublier les difficultés de la vie reliées au manque.

Avec nos seuls revenus privés (emploi et autres activités lucratives), la vie en société serait intenable. Les écarts seraient immenses. Nous préférons la solidarité que nous permet la fiscalité.

Son équation de base est la suivante : le revenu privé + les transferts – l’impôt = le revenu dont on dispose pour vivre.

Nous faisons tous et toutes partie de cette équation. C’est la façon dont elle se module qui pose ou non problème. Et les principes avec lesquels on l’aborde. Cette équation sert notamment à provisionner les services de l’État et à réduire les inégalités, selon un principe de solidarité de type : de chacun·e selon ses moyens à chacun·e selon ses besoins.

Faisons-nous jouer suffisamment ce principe? Pour répondre à cette question, il faut équiper le débat. Et porter attention à l’ensemble des situations qui peuvent l’affecter.

EngrenageEXERCICE 11 : Si vous aviez 981 M$ à distribuer en baisses d’impôt, avantageriez-vous plus le bas ou le haut de l’échelle des revenus?

Dans la mise à jour économique de novembre 2017, le gouvernement québécois a choisi d’avantager le haut de l’échelle des revenus plutôt que le bas de cette échelle en baissant le premier palier d’imposition, au coût de 981 M$, ce qui aura  un impact nul si on ne paie pas d’impôt et un impact maximal au-dessus de 42 705 $ de revenu. Avec le même montant, il aurait pu faire un tout autre choix : par exemple bonifier le crédit pour la solidarité créé en 2010 et s’adressant à l’ensemble des contribuables à plus faible revenu, et améliorer ainsi les revenus de toutes les personnes sous un seuil situé à environ 51 000 $ de revenu. À la suite de cette décision gouvernementale, le 981 M$ augmentera les écarts de revenu par le haut, alors qu’il aurait pu réduire les écarts par le bas.

Le comportement des personnes en situation de pauvreté n’a rien à voir avec cette nouvelle règle du jeu. Notre tolérance collective aux inégalités, oui. Et notre compréhension des décisions publiques qui touchent au pacte social et fiscal aussi. D’où l’intérêt d’apprendre à se parler de revenu et de garanties de revenu de façon constructive.

 

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