Dossier spécial

La réforme à l'examen

La mouvance du système


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Depuis cinq ans, les services offerts à la clientèle présentant une déficience intellectuelle (DI) et/ou un trouble du spectre de l’autisme (TSA) sont en mouvance. Les centres de réadaptation en déficience intellectuelle et trouble envahissant du développement (CRDITED), maintenant intégrés dans les CISSS et CIUSSS, doivent adapter leur offre de services spécialisés afin de répondre à la demande croissante . En 2011, trois des cinq CRDITED de l’île de Montréal ont fusionné pour devenir le CRDITED de Montréal. Cette fusion avait pour but d’harmoniser les services et de faciliter leur accès. En 2015, l’adoption du projet de loi 10 entraîne une 2e fusion afin de devenir un programme au sein d’un CIUSSS. Cette succession de fusion a engendré deux remaniements complets de gestionnaires, plusieurs bouleversements quant aux pratiques cliniques et administratives et une perte de repères pour l’ensemble des intervenants. Le service de l’accès-évaluation-orientation (AEO), responsable de l’analyse des demandes de service, a lui aussi été fortement touché.

Du rapport au temps, et du rapport aux gens

Nous, travailleuses sociales au service AEO, observons une diminution des interventions directes auprès de la clientèle. Nos interventions, qui consistent majoritairement en des échanges téléphoniques afin  d’évaluer les besoins, expliquer les services à l’usager ou son représentant légal et annoncer les délais d’attente, font peu appel aux compétences propres des travailleurs sociaux. Nous constatons une augmentation des délais d’attente et une difficulté pour les usagers et leur famille à avoir accès à des services spécialisés au moment opportun. Il en ressort un sentiment certain d’impuissance face à des usagers présentant des besoins particuliers et des familles souvent épuisées et à court de ressource. Comment, en tant que travailleuses sociales, pouvons-nous offrir écoute, support et référence à ces familles? Comment prendre le temps alors que nous ressentons la pression quant au volume et à la vitesse de traitement des demandes? La croissance de la prévalence du diagnostic de TSA amène une augmentation du nombre de demandes et oblige les organisations à revoir les modalités de leur offre de services. 1 enfant sur 68 présenterait un TSA (CDC 2016) selon Autism Speaks1.

Ainsi, un des enjeux majeurs de cette réforme est le rapport aux chiffrex. Les interventions sociales doivent être, elles aussi, quantifiées afin de justifier les budgets. Dans notre rôle, il est difficile de minuter nos interventions qui prennent diverses formes (appels, consultations, analyse, rédaction, etc.). Le rapport au temps devient donc un facteur déterminant de notre pratique. Faire mieux, faire rapidement tout en étant centré sur les besoins du client. Mais comment rester centré sur le client dans ce contexte? Le caractère organisationnel de la réforme remet en question le sens même de notre travail. Il faut donc faire autrement. Comment notre expertise auprès de la clientèle et les habiletés propres à notre profession peuvent-elles davantage être mises de l’avant? Le sens de notre travail n’est-il pas d’aller à la rencontre de l’autre?

Le modèle idéal

Lorsque nous nous prenons à rêvasser sur les services idéaux qui pourraient être offerts, nous voyons des services simplifiés pour les usagers et une intervention de proximité. En somme, une approche holistique, à l’image des cliniques communautaires, qui permettrait à la personne et à sa famille de parler des problématiques rencontrées et où les services seraient modulables en fonction des besoins et non en fonction de l’offre des établissements; où les liens seraient forts entre les différents paliers et permettraient, par exemple, l’accès rapide à un bilan de santé pour une personne ayant de graves troubles de comportement, des services en contexte d’intégration au travail au moment nécessaire ou le soutien ponctuel d’un d’intervenant dès que le besoin s’en fait sentir.

Nous souhaitons le meilleur pour nos usagers qui représentent souvent une clientèle vulnérable et délaissée par le réseau, alors pourquoi ne pas utiliser les professionnels à leur plein potentiel et  leur permettre d’être présents et de faire une différence?