Dossier spécial

Rêver les services sociaux

Du rêve à la réalité, il n’y a souvent que quelques générations


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Les services de santé et les services sociaux sont une richesse collective qui contribue au bien-être de tous. Dans mes rêves, cette richesse est accessible à tous par la gratuité et l’universalité. Cette richesse partagée ne se limite pas à soulager ou soigner les problèmes sociaux ou de santé lorsqu’ils se présentent, mais agit massivement afin d’en prévenir l’apparition ou l’aggravation par des environnements favorables à la santé et aux saines habitudes de vie et par des actions concertées sur les déterminants sociaux de la santé (le revenu, le logement, l’accès aux études et à l’emploi, etc.). La santé et le bien-être d’une société n’étant pas seulement l’affaire de son réseau de services, toutes les actions gouvernementales, les décisions ministérielles, les plans de développement économique sont sujets à des évaluations d’impact sur la santé qu’impose une loi-cadre. Dans le Québec de mes rêves, les pouvoirs locaux et régionaux regroupent les municipalités, les MRC, les commissions scolaires et le réseau de la santé et des services sociaux qui ont, grâce à une assemblée d’élus, la possibilité d’organiser et de gérer l’ensemble de ces services intégrés dans l’intérêt de tous et en conformité avec les principes du développement des communautés.

Bien entendu, le réseau de la santé et des services sociaux, tout comme le réseau de l’éducation, est entièrement public. C’est ainsi que chaque clinique médicale est rattachée à un CSSS et est dotée d’une équipe multidisciplinaire. Ces cliniques sont ouvertes 24/7 et reçoivent les patients pour les problèmes mineurs de santé afin de libérer les urgences pour les cas plus complexes. Une assurance médicament universelle couvre l’ensemble des besoins à moindre coût et au bénéfice du bien commun plutôt que des compagnies d’assurance. Une véritable politique de soutien à domicile permet, grâce à un soutien massif et gratuit aux personnes en perte d’autonomie, de vivre dans leur milieu naturel si elles le désirent. Mais aussi et surtout, l’État favorise l’acquisition de maisons intergénérationnelles et soutien les collectivités locales dans tout projet ou aménagement contributif au « vivre ensemble ». Car le soutien à domicile n’est pas seulement une question d’autonomie, c’est un enjeu communautaire.

Les T.S., dans tout ça?

De par leur formation et leurs compétences écosystémiques, les travailleurs sociaux jouent un rôle particulier au sein des équipes multidisciplinaires et des communautés. En plus de favoriser l’interdisciplinarité, ils sont à l’affut de la contribution de tous les systèmes qu’ils mobilisent autour des personnes et de leurs proches. Ils peuvent aussi favoriser l’action collective sur l’un ou l’autre de ces systèmes afin de mieux les adapter aux besoins de la population. Ils accompagnent les processus collectifs citoyens de développement communautaire. Car nos clients ne sont pas seulement des consommateurs de services, ce sont aussi des citoyens. En fait, ce sont les acteurs de premier plan qui ont un rôle déterminant à jouer : dans l’autogestion de leur santé, dans leur contribution au financement du réseau de services par une fiscalité progressive, dans les choix politiques qu’ils font collectivement au sein d’une démocratie qui assure la représentation réelle des tendances existantes et favorise le débat et les compromis qui sont nécessaires au contrat social. Les citoyens sont donc largement représentés, voire élus, sur les conseils d’administration des établissements.

Dans cette perspective où les services sociaux ne sont pas seulement une aide que l’on reçoit, voire que l’on consomme, l’action des travailleurs sociaux, quelque soit leur clientèle et leur programme d’appartenance, s’appuie sur la communauté et conduit à celle-ci dans ses plans d’intervention, à l’intégration communautaire, la participation sociale, l’échange, la confection d’un filet social par l’entraide, l’acquisition des ressources par l’action collective. Les services ne sont pas structurés, organisés et gérés en silos. Ils sont naturellement intégrés dans une logique communautaire. La mesure de la performance ne se limite pas à compiler des statistiques en nombre d’usagers et d’intervention. Elle évalue la contribution à l’amélioration de la qualité de vie et à la mobilisation des communautés. Les travailleurs sociaux ont non seulement le droit, mais le devoir d’exercer leur esprit critique avec constance et rigueur.

Une responsabilité partagée

La logique de l’utilisateur payeur n’existe pas. Tous ont également accès à des services de qualité qui sont financés par une fiscalité progressive. Chacun est responsable de sa santé avec l’appui du réseau de services et de sa communauté. Bref, l’organisation et le fonctionnement de la société favorisent la santé au lieu, comme maintenant, de produire la maladie que le réseau de services s’épuise à soulager tandis que la Santé publique prêche dans un désert d’indifférence.

Merci à la publication de l’Ordre de nous permettre de conserver nos rêves éveillés. Car du rêve à la réalité, il n’y a souvent que quelques générations.