Lettre ouverte au Collège des médecins du Québec

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Le vendredi 1er novembre 2019, au Palais des congrès de Montréal, avait lieu le Colloque annuel du Collège des médecins du Québec, sous le thème «Accompagner jusqu’à la fin». Il y fut question des soins de fin de vie (SFV), incluant l’aide médicale à mourir (AMM). J’y fus présent, fort heureux d’y assister.

Dans ce dossier des soins de fin de vie, il y a tellement à écrire pour exprimer toute ma reconnaissance au Collège des médecins du Québec. Soulignons-le par quelques faits majeurs. Au printemps 2006, au Colloque «Aider à mourir, une réflexion de société», c’est la création d’un comité sur l’euthanasie et le suicide assisté. S’en est suivi le rapport «Sortir de l’impasse» au printemps 2009 et l’audacieuse et la très élevée affirmation «l’aide médicale à mourir, un soin approprié, personnalisé et proportionné». Un tsunami! De grands vents ont soufflé dans cette voile porteuse de changements majeurs dans notre société québécoise, où environ 65 000 personnes décèdent annuellement. Des appuis massifs des ordres professionnels, des associations et des organismes concernés. Bien sûr, les opposants se sont levés et ont alimenté un vent fortement contraire. Cependant, les vents positifs ont été puissants et abondants. En décembre 2009, c’est la création de la Commission spéciale sur le droit de mourir dans la dignité; deux mois plus tard, on a remplacé le mot «droit» par «question», tellement avec raison!

S’en est suivie la remarquée et remarquable Commission parlementaire; le CMQ, mon ordre professionnel et les autres concernés, les associations et les organismes y ont participé avec intensité et grand cœur. Les mémoires du CMQ étaient consistants et des plus inspirants. En mars 2012, on vous y retrouve beaucoup dans le rapport Mourir dans la dignité. Le Collège était des plus nécessaires et tellement à la hauteur lors des projets de loi sur les soins de fin de vie. Une fois la Loi sur les soins de fin de vie votée, en juin 2014, très majoritairement, le CMQ a été des plus engagés et des plus prolifiques dans les 18 mois de préparation pour la mise en application de la Loi sur les soins de fin de vie. De grands documents furent des plus inspirants.

Un fait remarquable à souligner, porteur de ma gratitude et de mon admiration. Avec l’arrivée de la Loi fédérale sur l’AMM, en juin 2015, proposant aussi l’aide au mourir par prescription de médicaments seulement, vous avez réagi fortement, debout, avec les cinq autres Ordres concernés. «Au Québec, non à une telle prescription. Au Québec, lorsqu’il y aura une AMM, le médecin y sera présent avant-pendant-après.» Quelle fierté j’ai ressentie; quelle assurance et quelle rassurance pour les finissants de la vie, pour leurs proches et pour les soignants et même pour les établissements de soins.

Plusieurs de vos membres ont ajouté à leurs excellents soins palliatifs l’aide médicale à mourir. En mars 2018, environ 150 médecins, avec expérience et avec expertise, se sont rencontrés à Montréal; une grande surprise les attendait, soit celle de la sérénité impressionnante des finissants de la vie recevant l’AMM; lors de deux rencontres, les autres médecins canadiens ont fait la même heureuse découverte. Aussi, il en est ressorti la grande nécessité d’une plus grande clarté juridique pour pratique clinique une plus sereine. Enfin, on a ressenti la nécessité d’une présence plus grande des médecins avec expérience et expertise sur les comités se rapportant à l’AMM dans les SFV.

Ainsi, grâce au Collège, aux médecins impliqués, et aux cinq autres ordres professionnels impliqués, environ 3 000 Québécois ont terminé leur vie avec l’AMM. Les impacts ont été nombreux et tellement des plus positifs. Les proches se sont unis dans et par le respect de la personne en fin de vie. Les soignants ont grandi agréablement dans l’univers du libre-choix. Les deuils ont été facilités. La résistance des farouches résistants s’atténue de plus en plus, heureusement!
Pourquoi tant d’admiration et de gratitude pour Collège? C’est pour en avoir beaucoup fait et très bien fait dans l’univers du mourir plus libre, plus digne, plus humain, plus compatissant.

Et encore, POURQUOI? Pour vous encourager à avancer encore et avec célérité dans ce dossier si noble de l’accompagnement des personnes en fin de vie ou rendues à la fin de leur vie. Pour mieux accompagner jusqu’à la fin. Pour mieux soigner jusqu’à leur fin. Avec efficience, pour continuer à faire pression sur notre Gouvernement, ouvert et fortement désireux de mieux gouverner dans l’univers des soins de fin de vie. Uni aux cinq autres ordres professionnels, pour faire adopter la terminologie rassembleuse et inclusive, soit celle des soins de fin de vie. L’expression Soins de fin de vie, c’est le plus beau cadeau de la clarté que nous pouvons nous offrir au Québec. Pour vous encourager à soutenir l’arrivée du premier Colloque québécois sur les soins de fin de vie et l’arrivée de la Politique québécoise sur les soins de fin de vie.

Et encore, pourquoi? Pour que le CMQ fasse pression pour que la mise à jour de notre Loi sur les soins de fin de vie se fasse en conformité avec le jugement Baudouin/Gladu-Truchon, dans les quatre prochains mois. Pour enfin rendre justice et humanité aux Grands souffrants adultes aptes.

En terminant, aussi, pour vous inviter à participer activement au possible élargissement de notre Loi, avec sagesse, en solidarité, en compassion, en prenant tout le temps qu’il faudra, avec une commission parlementaire au besoin. Pour vous inviter à participer d’abord et avant tout sur le sujet de l’inclusion de la demande de l’AMM dans les Directives médicales anticipées (DMA); le consensus social y est des plus élevés; la justesse y est sage et appropriée. Pour continuer à distinguer fortement ces deux dossiers, soit celui des Grands souffrants adultes aptes, et celui des inaptes, des mineurs et des personnes avec des problèmes majeurs de santé mentale.

Voilà pourquoi tant d’admiration et de reconnaissance pour le CMQ ! Pour ce qui a été fait et honorablement très bien fait, et pour ce qui se fera, à la hauteur de votre Ordre. J’ai aussi une telle admiration et gratitude pour le soutien indéfectible de mon Ordre professionnel depuis plus de trente années.

Merci pour ce nécessaire et fort approprié Colloque annuel du 1e novembre 2019 !

Yvon Bureau
Travailleur social
Consultant bénévole pour un mourir digne et libre
Coprésident du Collectif Mourir digne et libre