La question des enfants à besoins particuliers est, à notre avis, éminemment sociale, et c’est pourquoi nous avons voulu contribuer aux discussions du Comité consultatif sur les enfants à besoins particuliers. Il s’agit en fait d’une question de justice sociale, valeur qui est au cœur de la pratique professionnelle des travailleurs sociaux.
Un grand nombre des 13 000 membres de l’Ordre œuvrent quotidiennement auprès des enfants et des adolescents ayant des difficultés de tous ordres, que ce soit au sein du réseau public (dans les écoles, dans les CLSC, dans les centres de réadaptation, dans les hôpitaux, etc.), dans les milieux communautaires (maisons de famille, organisme d’accueil et d’intégration des immigrants, etc.) ou en privé. Ils participent au quotidien à la mise en place des meilleures conditions pour assurer le développement optimal de ces jeunes.
Lorsqu’il est question des enfants et des jeunes qui ont des besoins particuliers, trois points sont primordiaux :
- les jeunes ne sont pas des troubles, des maladies ou des diagnostics. Ce sont d’abord des personnes entières et uniques, en interaction avec leur environnement;
- les réalités des jeunes sont multiples, les solutions aussi;
- les inégalités sociales persistent, les enfants n’ont donc pas tous le même accès aux services et au soutien nécessaires à leur développement.
1-Les jeunes ne sont pas des troubles, des maladies ou des diagnostics. Ce sont d’abord des personnes entières et uniques, en interaction avec leur environnement
Dans notre société, nous avons tendance à qualifier les jeunes à partir des diagnostics qu’ils reçoivent (c’est un TDAH, c’est un trouble du comportement, c’est un anxieux, etc.). Notre compréhension de la réalité des jeunes est souvent basée sur une lecture psychologique ou médicale des situations; lectures importantes, mais qui gagneraient à s’allier à d’autres.
En effet, les jeunes font partie d’une famille, d’une école, d’un quartier, d’une société. L’environnement dans lequel ils évoluent est à considérer lorsqu’il est question comprendre leur réalité et d’apporter des solutions à leurs difficultés ou pour les soutenir dans leur développement. À l’instar de l’Organisation mondiale de la santé, nous croyons qu’une lecture sociale est complémentaire et nécessaire.
2-Les réalités des jeunes sont multiples, les solutions aussi
On ne peut pas parler de « catégorie » lorsqu’il est question des jeunes qui ont des besoins particuliers. Les réalités sont multiples, les parcours sont diversifiés, les besoins sont spécifiques. Pas plus qu’il n’y a de solution unique pour faciliter leur parcours éducatif ou leur développement global. Les solutions doivent être multiples et à différents niveaux, les données probantes en font foi. Le travail à prévoir est à long terme. Il n’y a pas de recette miracle et les interventions doivent être construites et adaptées en fonction de leur réalité singulière.
Mais on sait aussi qu’il existe des conditions de succès pour que les actions mises en place soient efficientes[1], et il convient ici d’attirer l’attention sur deux incontournables:
- Partir des besoins des familles pour établir les programmes souples et adaptés, facilitant leur implication et l’accès à des services adéquats.
- La collaboration et l’engagement de toutes les instances concernées (système d’éducation, réseau de la santé et de services sociaux, organismes communautaires, municipalités, etc.). Les jeunes doivent pouvoir évoluer dans une trajectoire de services directe et optimale dans leur communauté.
3-Les inégalités sociales persistent, les enfants n’ont pas tous le même accès aux services et au soutien nécessaires à leur développement
Les statistiques font état d’écarts significatifs entre la santé et le bien-être des personnes vivant dans des conditions plus favorables et celles en situation de vulnérabilité. Les jeunes enfants et leur famille n’échappent pas à cette logique implacable et à ses impacts à plus long terme. Aussi, comme le rappelait récemment l’Observatoire des tout-petits : « Quand les enfants connaissent des conditions de vie difficiles ou stressantes entre 0 et 5 ans, ils auront développé moins d’habiletés à leur entrée à la maternelle. »[2]
Pour réduire la vulnérabilité des personnes et des communautés et, ultimement, des jeunes ayant des besoins particuliers ou à risque, il importe donc de miser sur:
- des mesures préventives.
- des mesures qui s’attaquent aux inégalités sociales et économiques, dont la pauvreté et l’exclusion.
Il est nécessaire également de pouvoir compter sur:
- la disponibilité en quantité suffisante de services sociaux de première ligne auprès des enfants, des jeunes et de leurs parents;
- des services publics, accessibles, près des milieux de vie comme les services de garde et les écoles.
Par ailleurs, pour les jeunes qui reçoivent un diagnostic, il importe d’accéder aux services spécialisés gratuitement, tant pour l’évaluation que pour l’intervention, tant dans le domaine de la santé (ex. orthophonie) que dans le domaine social au sens large (travail social, psychologie, prestations ou mesures fiscales de soutien aux revenus pour les parents, etc.).
Finalement, il faut aussi favoriser l’intégration sociale, la diminution des préjugés et de la stigmatisation de ces enfants différents dans notre société. Posons-nous la question : si nous faisions réellement valoir la diversité plutôt que la normalité, y aurait-il autant d’enfants avec des besoins particuliers?
[1] Poissant, J. (2014). Les conditions de succès des actions favorisant le développement global des enfants. État des connaissances, Québec : INSPQ, accessible au https://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/1771_CondSucActDeveEnf_EtatConn.pdf
[2] Observatoire des tout-petits (2016). Développement des enfants à la maternelle. Comment agir collectivement et dès la naissance, pour offrir aux enfants québécois des chances égales de réussite? Montréal Fondation André et Lucie Chagnon.