L’informatisation des dossiers dans les établissements amène de nombreux avantages notamment en termes d’accessibilité de l’information. Où que l’on se trouve dans les différents établissements, les professionnels peuvent avoir accès de leur poste de travail aux dossiers informatiques de leurs clients. Dépendamment des systèmes de sécurité mis en place et les exigences de leurs tâches, les professionnels peuvent avoir accès aux informations du dossier médical et psychosocial; cet accès soutient la continuité des services et la cohérence des interventions.
Cette accessibilité plus ouverte comporte également un risque. Il est très « tentant » et facile de consulter des dossiers d’usagers sans autorisation ni justification. Le simple fait d’appartenir au même établissement et d’être lié par la confidentialité ne donne pas le droit de consulter des dossiers d’usagers avec lesquels il n’y a pas d’implication directe du professionnel.
Dans les dernières années, le bureau de syndic a fait plusieurs enquêtes concernant des membres ayant eu accès à des informations confidentielles et ce, en contravention avec les règles en vigueur. Si les faits s’avèrent fondés, une plainte au Conseil de discipline est déposée. Aucune autre option n’est possible compte tenu de la gravité des gestes posés.
Les dispositions législatives
Le code civil (CCQ-1991) à l’article 3 prévoit : « Toute personne est titulaire de droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à l’inviolabilité et à l’intégrité de sa personne, au respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée.
Ces droits sont incessibles.
Le code de profession (C-26) prévoit à l’article 59.2 « Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l’honneur, la dignité ou l’exercice de sa profession ».
La loi sur les services de santé et les services sociaux (S-4.2) prévoit notamment à l’article 19 : « Le dossier d’un usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce n’est avec le consentement de l’usager ou de la personne pouvant donner un consentement en son nom ».
Le code de déontologie (C-26, r. 286) prévoit à l’article 3.06.01 : « Le travailleur social doit respecter le secret de tout renseignement de nature confidentielle obtenu dans l’exercice de sa profession. Le travailleur social ne peut être relevé du secret professionnel qu’avec l’autorisation de son client ou lorsque la loi l’ordonne. Le travailleur social doit s’assurer que son client soit pleinement informé des utilisations éventuelles des renseignements confidentiels qu’il a obtenus ».
Jurisprudence
Au cours des dernières années, plusieurs décisions du Conseil de discipline concernent ce sujet. Nous présentons plus particulièrement 2 décisions.
Dans la première1, le travailleur social affecté à l’accueil psychosocial2 d’un CLSC, a consulté à 2645 reprises des dossiers confidentiels sur une période de 79 jours. Il s’agissait de son propre dossier, de ceux d’usagers, des membres de sa famille, des collègues de travail. Il mentionnait avoir agi ainsi pour se distraire et passer le temps.
Dans la deuxième3 décision, la travailleuse sociale a consulté sur une période de 10 ans et à de nombreuses reprises, son propre dossier, celui des membres de sa famille, des collègues de travail, des usagers et des personnalités publiques de sa région. Elle expliquait avoir agit ainsi par impulsivité et par curiosité. Cela lui permettait également de se comparer aux autres.
Dans les deux situations, le Conseil de discipline a soulevé le caractère inadmissible de ce comportement, le qualifiant même dans la première décision comme « un manque de jugement professionnel total ».
Dans la première situation, la décision du Conseil de discipline sur sanctions fut une radiation d’un mois et une amende de 1500$. Le Conseil mentionne toutefois : « N’eut été le fait que l’intimé ait manifesté son intention de démissionner et de ne plus jamais pratiquer dans ce domaine, la sanction imposée par le Conseil aurait été beaucoup plus sévère que celle proposée par les parties ».
Dans la deuxième situation, la sanction fût une période de radiation de 2 mois. Ici également, le Conseil mentionne que la « sanction aurait pu être plus sévère ».
Conclusion
Comme mentionné précédemment, l’informatique facilite grandement le suivi des clients mais elle peut également mettre le professionnel dans des situations très délicates. En regard de la protection du public et de la vôtre, nous vous recommandons fortement de vous assurer d’avoir les autorisations nécessaires pour avoir accès à des informations confidentielles. La règle est claire : nul professionnel ne peut avoir accès à des dossiers sans autorisation valide et sans justification liée à sa fonction.
(1) Travailleurs sociaux (Ordre professionnel des) c Rochette, 2012 CanLII 99569 (QC OTSTCFQ)
(2) Les professionnels affectés à ce programme disposent d’un accès à l’ensemble des dossiers et ce de par le mandat du service
(3) Travailleurs sociaux (Ordre professionnel des) c Moïse, 2016 CanLII 27415 (QC OTSTCFQ)