Au cours des dernières semaines, voire des derniers mois, plusieurs d’entre vous nous ont interpellés concernant les outils de cheminement clinique informatisés (OCCI) développés par le ministère de la Santé et des Services sociaux et implantés dans plusieurs directions de programmes du réseau dont SAPA, DITSA, DP et CH.
Les OCCI comprennent un ensemble d’outils dont l’OEMC, le SMAF et le SMAF social. Les OCCI sont des outils d’évaluation globale des besoins de la personne. Les résultats qui en découlent permettent au ministère d’obtenir le portrait des besoins de la population en matière de services, d’évaluer l’écart entre les besoins réels de la population et l’offre actuelle de services et de prendre une décision éclairée en matière d’accès et de dispensation des services. Le MSSS précise que l’utilisation des OCCI vise à permettre au professionnel de placer la personne et ses proches au cœur de tout le processus d’intervention et ainsi éviter à l’usager d’avoir à présenter sa situation tout au long de son parcours de soins et de services.
Préoccupé par différents éléments soulevés eu égard aux OCCI et par l’information non fondée qui circulait à l’effet que l’Ordre aurait participé à leur développement et les imposait aux travailleurs sociaux, nous avons sollicité une rencontre avec les responsables de ce projet au ministère.
Ainsi, le 23 janvier dernier, j’ai eu le plaisir de rencontrer les personnes responsables de ce projet au ministère, en compagnie de la directrice générale et secrétaire de l’Ordre et deux chargés d’affaires professionnelles. Nous avons alors partagé vos préoccupations et vos réserves à l’égard de ces outils de travail, de même que les difficultés vécues. Nous avons également fait part de vos constats quant à l’impact des OCCI sur votre pratique professionnelle ainsi que sur la clientèle. Plus précisément, nous avons soulevé les éléments suivants:
- le manque de formation et de soutien concernant l’utilisation, la complétion et l’implantation des OCCI;
- la longueur du questionnaire pour le client et le professionnel;
- le temps important que sa complétion exige (4-7 heures);
- l’impact sur le client de l’administration d’un questionnaire aussi long, le fait qu’il soit parfois nécessaire de compléter le formulaire sur le cours de plusieurs visites;
- le temps important consacré à la cueillette de données n’est pas du temps consacré à une intervention. La liste d’attente pour les services s’allonge par le fait même;
- l’augmentation importante de la charge de travail provoquée par l’implantation des OCCI;
- les nombreuses données non nécessaires à l’évaluation qui doivent être obligatoirement recueillies, dont le revenu du client et le revenu de l’aidant;
- le manque de reconnaissance de l’exercice du jugement professionnel, puisque tout est paramétré et l’espace restreint disponible pour formuler une explication (50 caractères maximum pour les champs autres et 250 caractères pour les justifications et observations);
- le peu de caractères prévus pour écrire l’analyse de la situation (750 caractères maximum);
- le fait que l’algorithme prévoit l’insertion automatique de commentaires dans le rapport dont «Personne à risque d’abus ou de négligence» «Risque suicidaire» alors que l’évaluation ne permet pas de tirer de telles conclusions;
- la présence de questions obligatoires très intrusives, personnelles et délicates dans le questionnaire, et auxquelles le client doit obligatoirement répondre notamment relativement à la vie sexuelle de l’usager;
- l’obligation pour le client de répondre à toutes les questions sans quoi il ne pourra pas avoir accès aux services;
- l’absence d’évaluation des OCCI après leur implantation.
Lors de la rencontre, nous avons confirmé avec les responsables au ministère que l’Ordre n’avait pas contribué au développement de cet outil, ne l’avait pas analysé, ni validé, et ce, contrairement à ce que certains gestionnaires du réseau affirmaient aux travailleurs sociaux. Cet état de fait était partagé par les représentants du ministère, et les gestionnaires du réseau seront informés sous peu que l’Ordre n’a pas été impliqué dans l’élaboration de l’OCCI.
Les représentants du ministère ont fait preuve d’une grande ouverture. Ils nous ont précisé que des travailleurs sociaux ont été impliqués aux différentes étapes de développement des OCCI. Ils nous ont confirmé qu’un dialogue constructif et un travail de collaboration avec les professionnels du réseau est amorcé et que divers mécanismes d’ajustement et d’amélioration continue des outils sont en place. Tous les commentaires formulés par les travailleurs sociaux seront analysés. Les responsables du projet au ministère avaient reçu 227 demandes de changement au 23 janvier 2019 et 27% d’entre elles avaient été traitées. Une mise à jour mensuelle des outils est effectuée et c’est un travail d’amélioration continue qui s’effectue. D’ailleurs, la formulation de certaines questions et l’obligation de répondre à ces dernières sont en révision.
Enfin, les représentants du ministère nous ont précisé qu’une étude d’implantation avait été confiée dès le départ à un groupe de recherche. Nous avons insisté sur l’importance d’une telle évaluation et on nous confirme que cette étude est en cours.
Il ressort clairement des échanges que nous avons eus avec le ministère qu’il existe un besoin de dialogue et qu’un espace de discussion doit être aménagé à cette fin. Il appert que le sens et la visée souhaitée pour les OCCI demeurent méconnus pour plusieurs professionnels dont les travailleurs sociaux. Les fondements cliniques et scientifiques de plusieurs questions n’ont pas été suffisamment expliqués aux professionnels. De plus, les professionnels manquent de temps, de ressources et d’accompagnement pour s’approprier les outils.
Les représentants du ministère invitent les travailleurs sociaux à continuer de faire part de leurs commentaires et suggestions d’amélioration aux chargés de projet cliniques ou aux formateurs experts dans leur établissement. Ces derniers ont la responsabilité de colliger l’information et de la transmettre aux responsables des OCCI au ministère.
Pour leur part, les responsables de ce projet au ministère se sont engagés à revoir leur stratégie de communication auprès des instances du réseau.
L’Ordre réitère que les OCCI, comme tout outil clinique, ne constituent pas l’évaluation du fonctionnement social (évaluation disciplinaire du travailleur social) et ne remplacent pas le processus d’évaluation produit par le travailleur social, mais ils y contribuent.
L’Ordre profite de l’occasion pour vous rappeler toute l’importance que revêt votre rôle et vous remercie d’avoir porté à son attention vos inquiétudes à l’égard de ces outils développés par le MSSS.
Nous saluons votre engagement professionnel et votre souci d’offrir des services de qualité à la population.