Monsieur le Premier Ministre,
L’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (l’Ordre) ainsi que plusieurs de ses membres ont été surpris, voire heurtés, par les propos que vous avez tenus sur les travailleurs sociaux en répondant à M. Paul Arcand sur la question de la santé mentale au Québec. Vous avez mentionné qu’à défaut d’avoir un nombre suffisant de psychologues pour prendre en charge les personnes se présentant aux urgences pour une problématique de santé mentale, ces personnes étaient vues par des travailleurs sociaux et que « c’est mieux que rien ».
L’Ordre voit en votre réponse le reflet d’une perception qui malheureusement continue d’exister dans la population, mais qui est ô combien erronée concernant les services que rendent plus de 15 000 professionnels exerçant la profession de travailleur social au Québec. Les travailleuses sociales et les travailleurs sociaux (T.S.) sont des professionnels du domaine de la santé mentale et des relations humaines détenant un diplôme universitaire leur permettant d’intervenir en toute compétence notamment auprès de personnes ayant des problématiques de santé mentale ainsi que des personnes présentant un risque suicidaire ou homicidaire. Depuis toujours, les travailleurs sociaux œuvrent dans le champ de la santé mentale, que ce soit à travers les réseaux institutionnels, les milieux communautaires ou encore le secteur privé. Ils sont dans les centres de crise, dans les centres de prévention du suicide, dans les CLSC, dans les GMF, dans les écoles, dans les urgences, dans les organismes communautaires. Seulement dans les programmes de santé mentale jeunesse et adulte, on en compte plus de 5 200.
Trop souvent, le traitement des problèmes de santé mentale est abordé uniquement dans une perspective biomédicale ou psychologique. Or, il est reconnu que pour réellement agir sur la santé mentale des personnes, il importe d’intervenir non seulement sur les déterminants physiques, physiologiques et psychologiques, mais également sur les déterminants sociaux de la santé, c’est-à-dire les facteurs qui ont une incidence sur la santé tels que le revenu, les conditions de vie et de travail, le réseau familial et social ainsi que le soutien communautaire. Les travailleurs sociaux sont justement reconnus pour intervenir sur ces facteurs, ce que l’on appelle l’intervention sociale.
Les travailleurs sociaux ne sont donc pas les subalternes des psychologues et des psychiatres. Ils ne doivent pas être considérés non plus une solution de rechange. Il n’y a pas de hiérarchie en santé mentale. Qu’ils soient infirmières, médecins, psychoéducateurs, psychologues ou TS, tous travaillent en complémentarité. L’intervention sociale doit être considérée comme une réponse essentielle en santé mentale, tout comme les traitements de psychothérapie et de pharmacothérapie.
La clé pour réellement répondre aux besoins des Québécoises et des Québécois en santé mentale, c’est d’adopter une perspective globale de la santé mentale. Tous les professionnels de la santé mentale doivent faire partie de la solution en fonction de leurs compétences respectives.
À titre de premier ministre, l’Ordre estime que vous avez une responsabilité de contribuer à déboulonner les mythes et à déconstruire les préjugés entourant la santé mentale et les différentes interventions possibles. Pour être réellement protégé, le public doit être correctement informé. L’Ordre se tient à disposition pour aborder avec vous ces questions plus en profondeur si vous le souhaitez.
Veuillez recevoir, Monsieur le Premier Ministre, mes salutations les plus cordiales.
Le président,
Pierre-Paul Malenfant, T.S.