Traitement des dossiers d’utilisation illégale du titre ou d’exercice illégal des activités réservées

Par | Publié le | dans la catégorie Chroniques du syndic

Le système professionnel se fonde sur l’autoréglementation des membres d’une profession selon le principe de la surveillance par les pairs. Quand un client confie un mandat à un professionnel, il bénéficie de protections supplémentaires comparativement à un intervenant qui n’est pas membre d’un ordre. En effet, il recevra des services d’une personne dont la formation initiale a été vérifiée, qui se perfectionne en suivant des formations continues, qui se réfère à un code de déontologie et à un cadre réglementaire et normatif détaillé, qui accepte d’être inspectée de temps à autre au cours de sa carrière et qui accepte même au besoin d’être enquêtée par le bureau du syndic. Quand il s’agit d’accorder leur confiance, les gens savent que l’appartenance à un ordre professionnel mérite d’être prise en considération.

Voilà pourquoi le rôle de protection du public confié à un ordre inclut la vérification des situations potentielles d’utilisation illégale d’un titre professionnel réservé ou d’exercice illégal d’une activité réservée. Faire croire à une personne qu’on est membre de l’Ordre, quand on ne l’est pas, équivaut à solliciter sa confiance au moyen d’une tromperie. Par exemple, un client peut faire des confidences à un intervenant non membre en croyant à tort que cet intervenant ne pourra pas être contraint de témoigner devant un tribunal; souvent l’intervenant croit cela lui aussi, mais à tort, car en réalité la protection du secret professionnel ne couvre pas leurs entretiens.

Conséquences légales

Depuis 2012, le Code des professions réserve certaines activités professionnelles spécialisées comportant un très haut risque de préjudice aux membres d’ordres désignés. Accomplir une activité professionnelle réservée sans être membre d’un ordre professionnel, ou encore s’attribuer faussement le titre de travailleur social ou de thérapeute conjugal et familial, ou encore utiliser les initiales « TS », « TSP », « TCF » ou d’autres expressions laissant croire qu’on l’est, constituent autant d’infractions passibles d’une amende minimale de 2 500 $ pour un particulier ou de 5 000 $ pour une personne morale.

Mise en œuvre : principes généraux

Le conseil d’administration de l’Ordre a désigné le bureau du syndic pour traiter les dossiers de cette nature. Le grand public, les membres de l’Ordre, les employeurs et le personnel de la permanence peuvent tous signaler une situation pour que des vérifications soient faites. Au cours du dernier exercice financier, le bureau du syndic a complété 48 enquêtes en utilisation illégale ou en exercice illégal et déposé 14 poursuites pénales[1]. Les signalements reçus se sont avérés fondés dans un peu moins de la moitié des cas.

Lorsque le signalement s’avère fondé, l’approche de premier choix consiste à obtenir de la personne visée qu’elle régularise volontairement la situation. Ainsi, au cours de l’exercice 2018-2019, l’intervention du bureau du syndic a conduit à :

  • 3 ex-membres se sont réinscrits au tableau de l’Ordre;
  • 4 personnes ont supprimé ou corrigé leurs vitrines sur internet;
  • 5 rectificatifs ont été apportés dans des médias d’information;
  • 1 affichage de poste a été corrigé;
  • 1 inscription a été corrigée au registre des entreprises du Québec.

Nous réservons la décision de judiciariser un dossier en fonction de facteurs tels que la gravité, la durée, la fréquence, la portée et le caractère répétitif des gestes reprochés.

Mise en œuvre : applications particulières

Le titulaire de permis de travailleur social ne peut pas se présenter comme étant un thérapeute conjugal et familial s’il n’est pas aussi inscrit à ce titre au tableau de l’Ordre, et vice-versa. Les personnes inscrites au registre des droits acquis ne peuvent pas utiliser une désignation réservée ni laisser croire qu’ils sont membres de l’Ordre, puisqu’ils ne le sont pas. Au cours de l’exercice 2018-2019, plus d’un dossier sur dix concernait une personne inscrite sur ce registre.

Le Code des professions n’énumère pas une liste exhaustive des désignations réservées. Une désignation non prévue par la loi peut être réservée si elle laisse croire faussement que la personne est membre de l’Ordre. Ainsi, nous considérons qu’une personne exerçant les fonctions d’un emploi libellé strictement «travailleur social / travailleuse sociale», sans être membre, contrevient aux règles de ce seul fait, parce que cela induit le public en erreur sur son statut professionnel et laisse faussement croire aux collègues et aux clients qu’elle est inscrite au tableau de l’Ordre. De même, nous considérons que la personne qui insère dans son adresse électronique les initiales «T.S.», sans être membre, contrevient aux règles.

 Mesures préventives

Les membres de l’Ordre qui ne renouvellent pas leur adhésion annuelle sont retirés du tableau et perdent le droit d’utiliser leur ancien titre professionnel, ainsi que le droit d’accomplir une activité professionnelle réservée. Lorsque la personne est retirée du tableau, l’Ordre en avise l’employeur. Chaque année, des employés du réseau de la santé et des services sociaux sont suspendus temporairement sans solde par leur employeur pour ce motif, si ce dernier identifie l’appartenance à l’Ordre comme une exigence de l’emploi. Au cours du dernier exercice, près du quart des signalements reçus au bureau du syndic en utilisation illégale ou en exercice illégal concernaient d’anciens membres de l’Ordre. Voici quelques conseils pour éviter de vous retrouver dans la même situation :

Pour ceux qui veulent demeurer membres

  1. Les avis de renouvellement sont expédiés uniquement par courriel à l’adresse fournie au dossier de membre; donc, n’attendez plus d’avis par la poste.
  2. Surveillez attentivement votre compte de messagerie électronique à partir de février pour les avis de renouvellement.
  3. La date limite annuelle pour compléter son renouvellement est le 31 mars.

Pour ceux qui choisissent de ne pas renouveler

  1. Enregistrez un nouveau message d’accueil dans toutes vos boîtes vocales, corrigez votre profil professionnel sur tous les réseaux sociaux, modifiez les signatures automatisées des notes informatisées et des courriels, modifiez vos ses cartes professionnelles ainsi que votre papeterie.
  2. Vous êtes salarié? Vérifiez le libellé du poste attribué à votre emploi et les tâches associées à son assignation puisque l’appartenance à l’Ordre s’avère souvent obligatoire.
  3. Vous exercez en pratique autonome?
    1. Relisez tous ses contrats de service avec des agences ou des programmes d’aide aux employés puisque l’appartenance à l’Ordre s’avère souvent obligatoire.
    2. Tenez un registre des profils, sites et répertoires internet utilisés pour annoncer vos services, de manière à les corriger au moment de vous retirer du tableau de l’Ordre.

Conclusion

Le traitement des dossiers d’utilisation illégale d’un titre ou d’exercice illégal d’une activité professionnelle réservée relève de notre mission de protection du public. Toutefois, le bureau du syndic ne déploie pas de vigile active pour dépister ces situations. Il agit uniquement à la réception d’un signalement. La contribution du public en général et des membres de l’Ordre en particulier s’avère donc essentielle pour porter à notre connaissance de possibles infractions aux règles relatives à nos titres professionnels et aux activités professionnelles qui nous sont réservées.

[1] Les poursuites pénales visent deux particuliers et une compagnie. Pour plus de détails sur le bilan du dernier exercice financier, consulter la page 34 du rapport annuel de l’Ordre.