N.D.L.R. : Voici le deuxième volet de cette série à propos du Forum sur la maltraitance matérielle et financière envers les personnes aînées
Thème 2
Sensibiliser et former les aînés
Les intervenants du forum ont noté que les personnes aînées ont souvent de la difficulté à lire les contrats et ont souvent des comportements à risque. Il est important de les sensibiliser aux facteurs et comportements à éviter ou à développer pour préserver leur patrimoine. À titre d’exemple, les représentants de la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés ont précisé qu’une recherche récente a révélé que 25% des personnes aînées interrogées croyaient qu’en signant une procuration elles perdaient le droit à leur compte bancaire, ce qui n’est pas le cas. 34% d’entre elles croyaient à tort qu’elles ne pouvaient pas révoquer une procuration, en tout temps, sans l’accord du mandataire. De son côté, le président de la Chambre des notaires a précisé qu’environ 90% des procurations n’ont pas de date ultime d’utilisation, une mesure de protection qui devrait être multipliée.
Sensibiliser et former les professionnels et intervenants
Tous les participants ont convenu de l’importance de centraliser et de partager les outils et l’information afin de mieux outiller tous les intervenants et professionnels de différents domaines (financier, juridique, santé, services sociaux, etc.) qui fournissent des services aux personnes aînées selon leur champ de compétences. Il faut également former les professionnels et prévoir la diffusion d’information et de formations pour les intervenants en organismes communautaires et dans les municipalités. Un programme de formation et de sensibilisation destiné aux étudiants (primaire et secondaire) devrait être mis en place pour que ceux-ci deviennent des citoyens responsables.
Quatre ordres professionnels s’unissent
L’Ordre des comptables professionnels agréés, l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux, le Barreau et la Chambre des notaires ont manifesté leur intérêt à travailler ensemble autour de cet enjeu, notamment en se penchant sur la possibilité de développer un programme d’éducation pour les personnes aînées ainsi que des outils pour ces professionnels dont l’expertise est complémentaire. De son côté, l’OTSTCFQ compte offrir plus de support aux travailleurs sociaux afin qu’ils puissent intervenir encore plus efficacement auprès des personnes aînées, mieux les informer et mieux les protéger.
Une ligne et un guichet unique à contacter
Pour la ministre Francine Charbonneau, la ligne Aide Abus Ainés (où œuvrent plusieurs travailleurs sociaux) est une ressource de toute première importance et en ce sens, tous les travailleurs sociaux devraient en faire la promotion auprès de leur clientèle.
Ligne Aide Abus Ainés : 1-888-489-2287.
Thème 3
Repérer la maltraitance matérielle et financière
D’entrée de jeu, les panellistes issus du milieu bancaire ont lancé qu’environ 90% des cas d’abus qu’ils rencontrent sont commis par des membres de la famille de l’aîné. Sur ce même sujet, la présidente de l’Ordre a précisé que les causes et les conséquences de la maltraitance matérielle et financière sont multiples. Le repérage des cas de maltraitance matérielle et financière n’est pas simple, mais les professionnels doivent être sensibles aux indices et pouvoir les reconnaître. Un certain secret entoure bien souvent le phénomène et sans témoin direct, d’où l’importance d’accroître les efforts au niveau de la formation et de la sensibilisation.
Facteurs de risque, de vulnérabilité et indices de maltraitance
Facteurs de risque : difficulté de la personne aînée à gérer elle-même ses finances, son isolement et l’absence d’un réseau social autour d’elle, la cohabitation avec un ou plusieurs proches; une tension dans la relation entre la personne aînée et son aidant, un problème de dépendance du proche aidant (alcool, jeu, drogue, etc.), l’inaccessibilité à des ressources externes, etc.
Facteurs de vulnérabilité : état de santé, comportement, antécédents d’abus sexuels, troubles mentaux et de personnalité, besoin d’avoir des amis, dépendance affective, faire facilement confiance aux autres, etc.
Les indices de maltraitance : présence de « nouveaux amis » auprès de la personne aînée, modification des pratiques bancaires, versements ou retraits inhabituels, etc., diminution du patrimoine, disparition d’actifs, coût très élevé de certains services reçus, négligence de l’entretien du domicile, peu de nourriture à la maison, etc.
Pour faciliter le repérage de la maltraitance, l’Ordre a recommandé la mise en place de cinq mesures :
- Élaborer et dispenser une formation nationale sur la maltraitance matérielle et financière, identifiant notamment les facteurs de risque et de protection, à dispenser dans toutes les régions du Québec;
- Diffuser plus largement encore le très bon Guide de référence pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées dans les milieux d’intervention et, surtout, soutenir son appropriation par les professionnels et autres intervenants, notamment dans les établissements du Réseau et en milieu communautaire;
- Diffuser de l’information sur la problématique ainsi que sur les facteurs de risque et de protection aux membres d’ordres professionnels ainsi qu’au personnel de première ligne dans les institutions et organismes pertinents;
- Multiplier le réseau des travailleurs de proximité auprès des personnes aînées vulnérables et bonifier le financement des projets communautaires d’information, de sensibilisation et de repérage, souvent développés par les tables de concertation des aînés;
- Identifier dans les établissements du Réseau, des professionnels répondants en matière de maltraitance matérielle et financière, lesquels pourraient jouer un rôle de personne-ressource, de consultant, d’agent de liaison et de courtier de connaissances.
La maltraitance, l’affaire de tous
Tous les participants s’entendent sur un point, soit le rôle de l’entourage sur lequel il faut miser plutôt que de s’en tenir à une seule personne, afin d’offrir un rempart supplémentaire et une protection additionnelle contre les abus. Toute la communauté doit se sentir concernée, développer une attitude aidante et demeurer à l’écoute des personnes aînées. La maltraitance est inacceptable et c’est l’affaire de tous. Il est également important de s’assurer que l’administration des biens se fasse en toute transparence.
Les effets de la maltraitance
Les effets de la maltraitance ne sont pas uniquement d’ordre financier; ils peuvent être d’ordre physique ou encore psychologique. Il faut donc fournir à la personne aînée des repères objectifs sur ce qu’est la maltraitance matérielle et financière et l’amener à identifier le malaise qu’elle peut vivre, à son rythme et en tout respect, en fonction de la gravité de la situation. Les travailleurs sociaux le savent bien : il est essentiel de développer un lien de confiance avec la personne aînée pour considérer avec elle diverses options possibles d’intervention, dont celle de dénoncer la situation auprès d’une instance appropriée. Il faut ensuite expliquer le processus, la rassurer, faire les démarches avec elle et communiquer fréquemment avec elle. Une discussion exploratoire permet à la personne aînée de briser le silence, mais le travailleur social doit respecter la confidentialité en cas de non-consentement à la dénonciation. Il en va du respect au droit à l’autonomie de la personne. Les aînés ont peur des représailles; le signalement peut donc leur faire craindre des conséquences fâcheuses. La honte de dénoncer un proche est également un sentiment bien présent. On doit les rassurer et expliquer que la dénonciation ne mène pas nécessairement à la judiciarisation du dossier.
Lorsqu’une personne aînée rapporte une situation de maltraitance, le travailleur social doit la protéger et l’orienter tout au long du processus et lui fournir une rétroaction sur le fait que des actions sont entreprises, tout en respectant le caractère confidentiel des interventions. Il faut demeurer en lien constant avec elle et lui laisser la possibilité de faire un nouveau contact. Avant même de considérer la dénonciation, selon la situation en présence, une intervention appropriée auprès de la personne maltraitante peut d’ailleurs être envisagée. Pour ce faire, le travailleur social pourrait questionner ou confronter cette personne dans le cadre d’interventions, afin de faire une action immédiate sans risque pour la personne maltraitée.