Face à la pénurie de main-d’œuvre, le gouvernement a lancé un vaste chantier visant l’élargissement des champs de pratique des professionnels. Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) ouvre de nombreux postes d’agents de relations humaines et cherche entre autres à maximiser la contribution d’intervenants non membres du système professionnel. Cela laisse entrevoir une tendance à la déprofessionnalisation. Bien que l’Ordre reconnaisse la contribution nécessaire des agents de relations humaines ou d’autres intervenants psychosociaux, en tant qu’ordre professionnel, il est préoccupé par les conséquences de la déprofessionnalisation sur la protection du public et la qualité des services offerts à la population.
Dans ce texte, le président de l’Ordre Pierre-Paul Malenfant résume les actions de l’Ordre dans ce dossier et invite les membres à se mobiliser.
L’impact de la déprofessionnalisation sur la protection de la jeunesse
Ces derniers mois, nous avons engagé des discussions avec de nombreux décideurs, dont la directrice nationale de la protection de la jeunesse et le cabinet du ministre Carmant, pour exprimer nos inquiétudes grandissantes en lien avec certaines pratiques en protection de la jeunesse. Nous leur avons notamment souligné les risques de scinder les étapes d’évaluation et d’orientation comprises dans l’activité réservée ou encore, d’en confier une partie à des personnes non autorisées à l’exercer par le Code des professions.
De telles pratiques vont à l’encontre des recommandations de la Commission Laurent, qui prône une plus grande professionnalisation dans le domaine de la protection de la jeunesse, considérant le haut risque de préjudice en la matière.
Des échanges sur le sujet ont aussi eu lieu avec d’autres ordres professionnels dont les membres sont habilités à exercer l’activité réservée en protection de la jeunesse soient, l’Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec et l’Ordre professionnel des criminologues du Québec.
Un enjeu qui concerne d’autres programmes et milieux de pratique du réseau de la santé et des services sociaux
Nous constatons que le phénomène de la déprofessionnalisation s’étend à d’autres milieux de pratique que la protection de la jeunesse. De nombreux postes d’agents de relations humaines sont actuellement ouverts dans plusieurs programmes ou secteurs. Selon les informations dont nous disposons, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) prévoit la création d’environ 1 500 nouveaux postes d’agents de relations humaines à court et moyen terme.
Cette situation n’est pas sans nous rappeler une certaine époque où peu de distinctions étaient faites entre les professionnels du domaine de la santé mentale et des relations humaines. En effet, en amont de la Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives (PL-21), les champs d’exercice des différentes professions du domaine de la santé mentale et des relations humaines étaient peu précisés et aucune activité professionnelle ne leur était réservée.
Face à cette situation, nous avons travaillé sans relâche pour préserver les acquis, en plus d’exprimer nos préoccupations au MSSS et à d’autres instances, dont le Regroupement provincial des comités des usagers, la Commissaire à la santé et au bien-être et certains députés du gouvernement et de l’opposition.
Des solutions concrètes aux préoccupations actuelles
En réponse à la pénurie de main-d’œuvre, d’autres solutions permettant d’assurer la protection du public doivent être envisagées.
Tout d’abord, il nous semble primordial de freiner l’exode des professionnels du réseau en améliorant les conditions de pratique et en favorisant une plus grande autonomie professionnelle.
L’augmentation du nombre d’admissions au sein des programmes de travail social des universités québécoises contribuerait aussi à résoudre le problème de pénurie de main-d’œuvre.
Nous estimons qu’il y a également lieu de réfléchir à des projets porteurs qui favorisent la professionnalisation des intervenants. Nous avons d’ailleurs eu la chance de collaborer à un tel projet avec le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Ouest-de-l’île-de-Montréal depuis le début de l’année. Ce projet pilote, moyennant un engagement à entamer le processus d’admission ou d’équivalence avec l’Ordre, permet actuellement à une quinzaine d’intervenants d’exercer l’activité réservée en DPJ sous la supervision d’un ou d’une travailleuse sociale membre de l’Ordre. Fort de ce succès, le MSSS a signifié son intention d’étendre le projet à d’autres DPJ et l’Ordre s’en réjouit.
Contrer la déprofessionnalisation, une responsabilité partagée!
Chaque T.S. a un rôle actif à jouer pour faire valoir notre belle profession, exprimer fièrement notre identité professionnelle et ainsi contrer la déprofessionnalisation dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines. Lorsque cela est possible, occupons les postes de travailleuses sociales et de travailleurs sociaux, réalisons des tâches qui mettent à profit nos compétences et nos connaissances, encourageons nos collègues à adhérer au principe de professionnalisation, incitons-les à devenir membres de notre ordre, à y demeurer ou à le redevenir.